La fast fashion fait des percées toujours plus grandes en inondant le monde du style depuis deux décennies. Et le rythme ne fait que s’accélérer avec la prolifération de micro-tendances, cores, et séances d’essayages (les fameux ‘try on hauls’) sur les réseaux sociaux ; le but ultime étant de devenir viral — comme si c’était aussi facile! Mais est-ce possible d’avoir plus de style en misant sur des pièces vintage et des vêtements seconde main?
Le concept de s’habiller avec des vêtements d’occasion n’est pas nouveau; mais l’aspect mode, l’est.
Les origines des fripes
En 1897 l’Armée du Salut lançait sa « brigade de récupération », qui recueillait les vêtements usagés en échange de nourriture et de logis. Goodwill a suivi en 1902. Pendant la Grande Dépression des années 1930, les friperies se sont multipliées car elles permettaient à de nombreuses familles de s’habiller à moindre coût.
Avec l’esprit de rebellion qui régnait dans les années 70, les friperies ont connu un regain de popularité, en grande partie sous l’impulsion de mouvements de la contre-culture comme les hippies et tout ce qui était de style bohémien. Ces magasins sont devenus des trésors de mode d’occasion proposant des pièces pouvant refléter le style unique de chaque personne, tout en s’opposant aux normes dominantes en mode. On pense Jimi Hendrix, Fleetwood Mac et les nombreux groupes de musique; les influenceurs de l’époque en quelque sorte, qui ont propulsé ces looks iconoclastes.
Dans les années 1990, le grunge – encore une fois un autre style musical – remet de l’avant le style vintage avec les nuisette de soie, les petits cardigans de mémé en mohair et la chemise à carreaux — une anomalie dans le paysage stérile qui sévit en mode avec ses basiques soporifiques. Les célébrités adorent le look et l’idée de porter des trouvailles uniques et précieuses. Les friperies évoluent avec des espaces plus soignés et organisés, destinés à un plus grand bassin de consommateurs qui n’était pas nécessairement à l’aise avec l’idée de s’habiller seconde main. Ah, mais l’attrait irrésistible des tendances…
Au tournant des années 2000, avec la présence grandissante d’Internet, c’est le début des ventes des pièces vintage en ligne. Les plateformes eBay et Etsy explosent et permettent à tous d’accéder instantanément aux vêtements vintage les plus uniques et exclusives. Certaines maisons de vente aux enchères prestige comme 1stDibs se lancent également dans ce marché en proposant des pièces haut de gamme, des accessoires de luxe et des pièces de créateurs, certaines étant pratiquement des pièces de qualité muséale.
Actuellement, il existe beaucoup plus de plateformes de revente permettant de réutiliser des vêtements (tout en gagnant de l’argent!) qui ont à peine été portés ou même juste une fois pour un événement.
Seconde main pour sauver la planète
Grâce à la démocratisation de l’information et aux lanceurs d’alerte, on connaît désormais l’impact réel de la fast fashion sur l’environnement.
Le Chili est une plaque tournante pour les vêtements usagés et invendus. Environ 59 000 tonnes arrivent chaque année dans ce pays de l’Amérique du Sud. Ces articles, fabriqués à l’origine dans des pays comme la Chine ou le Bangladesh, transitent par l’Europe, l’Asie ou les États-Unis avant d’aboutir dans le désert d’Atacama, reconnu comme étant le désert le plus sec du monde. Il s’agit du plus grand dépotoir de vêtements usagés sur la planète, ce qui pose de sérieux défis pour l’environnement.
La plupart des vêtements actuels contiennent des fibres synthétiques (acrylique, polyester, nylon et spandex), ce qui les rend non biodégradables et donc impossibles à traiter pour les décharges municipales. Lorsqu’elles sont laissées à l’air libre ou enfouies sous terre, ces piles de vêtements libèrent des polluants dans l’air et les eaux souterraines. Cela peut prendre jusqu’à jusqu’à 200 ans pour un vêtement synthétique ou traité avec des produits chimiques à se biodégrader, et il est aussi toxique qu’un pneu ou des déchets de plastique.
Et tout ça, c’est sans compter les tonnes d’invendus que certaines marques de luxe détruisent en les coupant ou en les brûlant, créant ainsi de la rareté sur le marché pour maintenir artificiellement des prix élevés.
Les consommateurs sont de plus en plus conscients de l’impact environnemental de la fast fashion. Et les GenZ sont particulièrement sensibles à ce sujet. S’habiller glam seconde main ou en chinant procure d’autres alternatives pour avoir du style, tout en étant conscient de nos habitudes d’achat.
Chiner mode futé
Bien sûr, il y a des personnes qui ont un sens inné du style et qui peuvent créer de la magie à partir de presque rien pour créer une tenue extraordinaire en deux secondes, top chrono. Et grâce à ce talent elles ont des fans fidèles.
C’est certain qu’il est toujours plus facile de simplement acheter un ensemble flambant neuf. Mais il existe des façons de choisir ses fripes comme une pro.
Tout comme en déco, les plus beaux looks mode sont souvent un savant mélange de divers articles qu’on assemble de façon harmonieuse et esthétique. Essentiellement, c’est une question de stylisme et non des différents éléments.
Mais que choisir? Comment bien marier ces différentes pièces?
- Textile d’abord, style plus tard
À moins de trouver ses trésors vintage dans une boutique, où la proprio ou acheteuse a déjà soigneusement choisi les meilleures pièces provenant de plus grandes friperies comme Village des valeurs, Renaissance, les bazars d’église ou les ventes de succession, lorsqu’on entre dans ces immenses magasins de vêtements d’occasion, on est confronté à des milliers d’articles à la fois. Alors, on y va avec méthode. On se concentre donc d’abord sur les textiles et les tissus de qualité comme le lin, le cachemire, la soie naturelle (PAS le polyester) et la toile de coton, ce qui élimine d’emblée les articles de qualité moindre qui n’en valent tout simplement pas la peine. Ensuite, on passe aux imprimés, couleurs, coupe et style unique.
- Mélanger les époques
Si on a beaucoup de style et on ne craint pas de se démarquer, on mélange audacieusement des articles de différentes décennies. Par exemple, on pourra facilement associer un chemisier transparent à imprimé fleuri des années 70 avec un mom jean taille haute des années 90. C’est toujours la juxtaposition des styles qui crée un look intéressant.
- La magie des superpositions
Non, ce n’est pas votre imagination. La qualité et le savoir-faire étaient meilleurs à l’époque avant la fast fashion. C’est pourquoi les pièces vintage ont souvent une texture et des motifs qui résistent mieux à l’usure que les pièces semblables d’aujourd’hui. Avec cette optique on n’hésitera pas à porter, par exemple, une camisole délicate en dentelle sous un cardigan à grosses mailles, ou une nuisette moulante sous une chemise en jean nouée à la taille. Les superpositions ajoutent un intérêt visuel, alors on joue avec les proportions.
- L’ajustement est important
Les trouvailles mode seconde main n’offrent pas toujours un ajustement parfait. On devra donc investir dans des retouches. Un nouvel ourlet, une taille plus ajustée, raccourcir des manches ou même changer complètement les dimensions d’un vêtement est quelque chose qu’un bon tailleur pourra accomplir lorsqu’on ne peut se résigner à laisser derrière une pièce coup de coeur.
Et, qu’on se rappelle, la clé c’est la confiance en soi. Une superstar de la mode va créer un look bien édité avec ses trouvailles. Si on se sent bien, on rayonne. Et on n’oublie pas qu’en achetant seconde main, on souligne aussi sa personnalité de façon durable. Chaque pièce a son histoire, et c’est maintenant à notre tour de la raconter à travers notre style unique!