Gstaad? Courchevel? Val-d’Isère? Plutôt Whistler ou Tremblant? Quelle que soit la destination du terrain de jeu hivernal cette année, le chic alpin règne, car les pistes de ski constituent depuis longtemps la toile parfaite pour exhiber ses plus beaux looks. Peut-être parce que les sports de glisse requièrent une garde-robe vraiment spécialisée tout en attirant le jet-set, pour qui le ski et être vu sont indissociables.
Le style ski est en plein essor. Selon Google Trends, l’intérêt pour une «esthétique ski de luxe» a augmenté de 72 % au cours de la dernière année, avec un pic atteint en décembre 2023.
L’idée, c’est de porter des vêtements inspirés par le ski, le temps froid, ainsi que les accessoires associés. On pense ici aux doudounes, à mi-chemin entre le streetwear et le sport. Les marques? Le haut de gamme Moncler, bien sûr, et toutes les autres griffes de créateurs ultra-premium. Si l’imitation est un indice du succès, on peut également parler du Super Puff, le best-seller du détaillant canadien Aritzia. Les Moon Boots, l’un des piliers du style après-ski, sont également très en demande. Selon Google, les recherches portant sur les moon boots ont augmenté de 56 % dans la dernière année, pour atteindre le summum en janvier 2024.
À noter également : un regain d’intérêt pour les fourrures naturelles sous forme de sacs à main, de gilets et de chaussures. Car qui peut rester de glace devant une magnifique paire de Birkenstocks rehaussées de vison pour une pause devant un feu de foyer?
«La tendance esthétique ski de luxe est née dans les stations de ski glam fréquentées par l’élite. On pense à des endroits difficiles d’accès qui ne sont généralement pas desservis par les lignes aériennes commerciales. C’est là que la haute couture se marie avec les pentes», explique Marie-Christine Sirois,une styliste de mode passionnée de décoration d’intérieur et experte en tout ce qui est glam, basée à Montréal.
Parce qu’il ne s’agit pas seulement de mode, cette esthétique «se retrouve aussi dans nos décors, avec un luxe inspiré des Alpes, des jetés en fausse fourrure, des lustres avec des bois de cerf, des textures veloutées et… une fondue au fromage accompagnée de caviar et de champagne reflétant un mode de vie luxueux, où l’aventure est sophistiquée».
«Imaginons ceci: un mariage de luxe pratique et d’élégance des montagnes. C’est d’un chic facile, pour braver les températures sous zéro», souligne Marie-Christine.
On joue alors sur ces contrastes à travers le vêtement, lorsqu’on part conquérir les cimes. Les éléments exigent des vêtements d’extérieur à la fois performants, imperméables et qui tiennent au chaud. Mais il est tout aussi important de mettre dans sa valise monogrammée des fourrures frivoles et des manteaux en peau de mouton, des lunettes de soleil surdimensionnées et les tricots les plus moelleux, fin prêts pour l’après-ski – et les bains de soleil pour le ski de printemps.
L’évolution des sports d’hiver
Le mariage entre tenues de ski et la mode ne date pas d’hier.
En effet, cette histoire d’amour remonte aux années 1920, après les premiers Jeux olympiques d’hiver organisés à Chamonix, en France, en 1924. Les stylistes de l’époque ont alors commencé à créer de magnifiques vêtements de ski, notamment des combinaisons-pantalons deux-pièces et des lainages. Lorsque la marque américaine Eddie Bauer lance la première veste en duvet d’oie en 1936, les tenues d’hiver prennent un nouveau virage. D’autant plus que cette innovation coïncide avec l’ouverture de la station de ski à Sun Valley, aux États-Unis, attirant une foule de vacanciers fortunés dans la région.
Une dizaine d’années plus tard, en 1947, autre première. Emilio Pucci, espoir olympique italien et créateur de mode, crée la combinaison de ski une-pièce. (Non, hélas, sans les imprimés psychédéliques hyper saturés pour lesquels le créateur aristocrate allait se faire connaître dans les années 1960). Grâce à l’innovation misant sur les tissus extensibles de Pucci, les skieurs pouvaient désormais être au chaud, tout en glissant de façon plus aérodynamique.
Mais c’est une femme, la créatrice de mode allemande et skieuse professionnelle Maria Bogner, qui allait injecter une dose de sex-appeal dans les tenues de sport d’hiver, en lançant un pantalon de ski extensible dans une matière imperméable moulant bien les courbes. C’est le début d’une nouvelle ère, d’autant plus que cette collection fait également déferler sur les pistes un arc-en-ciel de couleurs vives. Petit acte de rébellion puisque la grande majorité des tenues de ski étaient alors de couleurs neutres (l’ennui…): noir, marine, gris, vert sapin avec, de temps à autre, une touche de rouge comme accent sur les pulls jacquard.
Dans les années 50, le terme « après-ski » fait son apparition, puisque les sportifs et sportives d’hiver veulent être chic au chalet, plus tard en fin de journée. La popularité croissante du ski au cours de cette décennie renouant avec l’optimisme, après la Seconde Guerre mondiale, permet aux skieurs d’expérimenter avec le port de tenues plus mode, au-delà de leur aspect purement pratique. La séduction étant bien présente dans l’air pur des montagnes.
Les années soixante sont marquées par l’engouement pour l’espace, l’innovation technologique et le prêt-à-porter dont l’importance se ramifie à l’échelle mondiale avec, évidemment, les sports d’hiver. Des matériaux techniques comme le spandex, le Gore-Tex, le lurex et même le vinyle font leur entrée sur les pistes. C’est l’âge d’or des vêtements de ski. Les snoods, lunettes de ski mod et les Moon Boots, créées par le designer italien Giancarlo Zanatta qui est inspiré par la mission sur la lune d’Apollo 11, sont les accessoires du jour. Parallèlement, des créateurs comme Christian Dior, Emilio Pucci, Pierre Cardin et André Courrèges commencent à produire des lignes de vêtements de ski haute couture que le jet-set et les célébrités s’arrachent.
Hollywood en prend note, car l’attrait sexy du ski monte en flèche grâce à des tenues plus moulantes que jamais. Le film de James Bond Au service secret de Sa Majesté est l’un des premiers à dévoiler ces combinaisons de ski en action, tandis que Capucine et Claudia Cardinale, les actrices principales de La panthère rose, sont habillées par Yves Saint Laurent pour leurs scènes de ski et d’après-ski. Vive le glam d’hiver!
Au début des années soixante-dix, en écho à ce qu’on voit sur les pistes, la mode s’inspirant du ski fait son entrée dans le streetwear de l’époque. Des marques d’ici telles que Cougar, Kamik et Sorel, ainsi que le fabricant de manteaux Canada Goose, commencent à intégrer des détails et articles inspirés par le monde du ski dans les vêtements de tous les jours. Les vestes en nylon matelassé sont dotées de manches zippées pour se métamorphoser en gilet cool pour les sorties dans les bars, en ville.
La vie des gens riches et célèbres?
Si on se demande pourquoi la mode ski est tellement populaire en ce moment, il faut savoir que plusieurs facteurs entrent en ligne de compte. C’est certain que le besoin de documenter chacune de ses sorties et moments mode est hyper importante. Or, les pistes de ski offrent ces deux occasions avec brio. Et, bien sûr, il ne faut en aucun cas sous-estimer l’addiction d’Instagram et de TikTok. Mais le plus grand impact est sans doute le grand retour du voyage, toutes destinations comprises.
Les stations de ski possèdent cette qualité magique : loin du quotidien, au-dessus des nuages, bordées par le calme de la nature, elles donnent au visiteur l’impression d’être sur une autre planète. Et c’est encore plus vrai lorsqu’il s’agit de destinations huppées, où les gens parodiés par Gstaad Guy sont vraiment à leur place.
Mais c’est probablement la collection Miu Miu automne-hiver 2021 qui a donné le coup d’envoi aux vêtements de ski dans l’arène de la mode, avec ses combinaisons de ski en satin pastel, ses balaclavas tricotées, ses pulls jacquard et ses ‘onesie’. Et, depuis, on en a vu des tonnes. Il va de soi que la glace et la neige sont des thématiques privilégiées des planches à dessin de nombreuses maisons de luxe, ces dernières saisons, afin de nous permettre de porter des vêtements qui font leur marque sur les pistes, tout en étant très fonctionnels.
Des maisons de couture célèbres comme Dior, Chanel, Chloé et Balmain ont porté le chic alpin à des niveaux inégalés avec des articles qui marient performance et style, tradition et innovation, ainsi que luxe et résilience.
Mais cette esthétique ski de luxe est-elle exclusivement destinée aux poupées des pentes milliardaires?
«Pas vraiment, indique Marie-Christine Sirois. En fait, un ‘trust fund’ n’est pas requis. Il faut juste miser sur des basiques de bonne qualité, des pièces clé, et on n’oublie surtout pas les friperies pour des trouvailles vintage incroyables.»
En termes d’articles, elle privilégie les cols roulés en cachemire, les combinaisons de ski chic et les parkas garnis de fourrure. Et, côté accessoires, tout est permis! «On choisit des lunettes soleil surdimensionnées, des gants en cuir et des bottes de neige qui se démarquent.»
Des marques québécoises comme Mackage et Rudsak ont créé de superbes vêtements d’hiver qui sont également équipés de caractéristiques performantes contre le froid. Et même le détaillant fast fashion Zara a créé une collection capsule ski pour l’hiver 2024. Traduction : l’esthétique ski de luxe est désormais accessible à tous.
On devrait donc suivre les conseils mode judicieux de Marie-Christine : «Même si elle est adoptée par les ultrariches, cette esthétique est avant tout une question de style, sans étiquette de prix. C’est une attitude.»
On aime ça!